Activités de la Société minière de la Nawa (SOMINA) à Ouellé : Un collectif de 11 villages proteste, la direction apporte la réplique





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Un collectif de 11 villages du département de Ouellé (région de l’Iffou) n’est pas du tout content des effets collatéraux des activités de la Société minière de la Nawa (SOMINA).

Dans un courrier datant du 30 janvier 2023, adressé aux institutions de la République, à plusieurs ministères, notamment le ministère ivoirien en charge des mines, du pétrole et de l’énergie, ainsi qu’à des organisations internationales, ce collectif dénonce la destruction et la pollution de son environnement par les flux d’eaux boueuses venant des sites d’installation de l’exploitation aurifères de cette entreprise.

« Nos plantations sont fortement impactées par cette activité. Si rien n’est fait par les autorités que vous êtes pour endiguer ce fléau, nous courons des pertes collectives aux conséquences incalculables », a averti ledit collectif dans son courrier.

Pour en savoir davantage sur cette affaire, une équipe de journalistes dont celui de pressecotedivoire.ci, à l'invitation des responsables de cette entreprise minière, s’est rendue sur les lieux, lundi 13 février 2023.

A Ouellé-Prikro, village situé à environ 7 km de Ouellé, chef-lieu de département, le chef du village, Kassé Kouakou Pascal qui reçoit l’équipe fait savoir que sa plantation située, près de la rivière, dénommée « Baya », a été détruite par les coulés de ce flux qui a débordé lors de la saison des pluies.

« Comme il n’y a pas de barrage, c’est au bord de la rivière qu’on fait nos champs. Moi, mon champ d’ignames d’un demi hectare, a été détruit ». Pour lui, les activités de cette société d’extraction de mine ont rendu l’eau de cette rivière inutilisable.

« Avant, quand le château tombait en panne, c’est dans la retenue d’eau qu’on puisait l’eau pour se laver. Ce qui est impossible en ce moment vu la qualité de l’eau qui est semblable à de la boue », a-t-il dénoncé, ajoutant que selon certaines personnes, cette eau contiendrait des produits.

Tout en révélant que les enfants continuent de pêcher dans cette eau, il avoue toutefois qu’il n’a pas connaissance de cas de maladie ou de mort liée à la consommation de ces poissons pêchés dans cette eau boueuse.

Un tour dans les champs du chef a permis de se rendre compte de la situation. Buttes d’ignames endurcies et sans tubercules pour certaines, plants de taro et de bananiers asséchés. Normal, nous sommes en pleine saison sèche et l’atmosphère est ainsi dans cette localité, selon des fils de la région. Toutefois, l’on a pu observer ça et là, des ignames récoltées par notre interlocuteur dans cette plantation qu’il dit être «détruite».

Mais ce qui est frappant, c’est la couleur de l’eau de la rivière. Jaune-verdâtre qui peine à s’infiltrer comme ça devait être le cas en cette saison sèche.

LES ATTENTES DU CHEF

Vu que la plupart des villageois cultivent dans le lit de ce cours d’eau, le chef demande à SOMINA de faire en sorte que l’eau de l’extraction de son minerais ne coule pas jusqu’à leur niveau. Après cette étape, il souhaite que les impactés soient dédommagés.

A l’Etat, il souhaite qu’il veille à faire examiner cette eau pour situer les uns et les autres sur sa toxicité. 

Le premier responsable du village demande à l’Etat de leur venir en aide en leur trouvant d’autres sources d’eau potable. Le château actuel ne tardant pas à tomber en panne, selon lui,  se pose, dès lors, un problème d’approvisionnement en eau potable. En plus, que les autorités arrêtent les travaux de cette société qui, si l’on n’y prend garde, risque de détruire tous les villages.

« C’est à travers cette rivière que les 11 villages font leurs travaux champêtres. Si cette eau est polluée, ce n’est pas nous, Ouellé seuls qui allons mourir, mais tous ceux qui consommeront les produits de nos récoltes », a-t-il averti.

Autre lieux, à Koumélékro, gros village de plus de 2.000 âmes, mêmes préoccupations, même constat.

Abondant dans le même sens que le chef de Ouellé-Prikro, Kouassi Kouadio Edouard, président du collectif des 11 villages impactés par l’exploitation minière à savoir Ouellé-prikro, Egoukro, Kouakoussékro, Ebini, Kouadiokro, Kobenankro, Ananda, Kouadiokro, Angouakro, Degbé Bayanou, explique :

« Le problème est que SOMINA extrait de l’or dans le village de Kodiakro. Quand ils lavent leur or, cela nous crée des désagréments. L’eau est polluée. Toutes les plantes mortes que vous voyez, c’est l’eau qui les a tuées. Ça impacte le village, ça impacte notre eau. C’est l’eau de la rivière Baya que nous utilisons pour faire le ménage, la lessive. Parce que Somina, extrayant son or, le lave dans le baya au lieu de faire de telle sorte que ça ne passe pas dans le baya. Et quand ils le font, c’est nous, populations, qui en souffrons. Voici notre cri du cœur aujourd’hui. »

Poursuivant, il a précisé qu’il n’y a certes pas de perte en vie humaine, mais des pertes au niveau agricole. Et de relever des cas de démangeaisons chez les femmes qui traversent cette eau pour se rendre dans les champs. Ajoutant que leurs femmes, ayant constaté cela, ont dû arrêter d’aller aux champs durant trois semaines, et ce avec tout ce que cela peut comporter comme conséquence.

«Nous avons toujours sollicité de l’aide, pas de l’aide financière», a-t-il précisé, «pour qu’on trouve une solution à notre difficulté», regrettant en outre que le directeur de cette société minière, informé de la situation, n’ait pas cherché à trouver une solution. Et de s’interroger, si une étude d’impact social et environnemental a été réalisée avant la mise en œuvre du projet.

 « Les gens pensent que c’est un problème financier, non, il ne s’agit pas d’un problème financier. Mais nous luttons pour le bien-être de nos populations», précisant qu’un village dénommé Gbli-Kouadiokro, élevant des poissons dont la vente lui rapporte la somme de 4 millions de FCFA par an, a vu tous ces poissons mourir.

Là aussi, le constat est le même. La couleur jaune, parfois verdâtre de l’eau, donne froid dans le dos.

Ici aussi, l’on nous apprend que les pépinières de palmier à huile qui ont été arrosées avec cette eau n’ont pas survécu, un manque à gagner pour les propriétaires, qui, dit-on, vendaient le pied à 300 FCFA.

LES PROPOSITIONS DE SOLUTION

Comme solution, le collectif propose à l’entreprise de creuser des digues pour retenir l’eau. Après cette étape, aller vers les populations, déterminer l’ampleur de l’impact en vue du dédommagement des victimes.

"Si rien n’est fait, nous irons toujours avec courtoisie pour les rencontrer, car en mars, c’est le début des travaux, et donc on sera obligé de réagir. On va organiser une marche pacifique sur Daoukro", indique le collectif.

LA REPLIQUE DE LA DIRECTION GENERALE DE L’ENTREPRISE

Du côté des responsables de cette entreprise minière, on pense autrement. Lors d’une rencontre avec la presse, sur le site d’exploitation, le directeur général Koffi Fiacre qui avait à ses côtés ses plus proches collaborateurs a dit sa part de vérité.

Pour lui, une étude d’impact social et environnemental a été réalisée et son équipe et lui, suivent le plan de gestion qui a été retenu. Mais, a-t-il reconnu, «il est clair que l’impact se ressent tant au niveau environnemental que social. Nous déployons toute notre énergie au quotidien pour l’atténuer, de sorte à faire en sorte que le projet soit plus bénéfique à la communauté et qu’il soit un atout pour le département de Ouellé», ajoutant qu’une étude diligentée par le préfet, en octobre, sur la qualité de l’eau autour de la zone de sa société dont l’exploitation a commencé en décembre 2022, a révélé dans l’ensemble que 10 km avant et après le périmètre d’exploitation, l’eau était de très mauvaise qualité.

Poursuivant, il a indiqué qu’il a eu une réunion avec le préfet pour harmonier les mesures techniques qui pourront permettre à la société de travailler en tenant compte des cultures environnementales, des points d’eau et de la vulnérabilité en général des sols.

« Ce qu’il faut retenir, c’est que dans la région, pendant les périodes de pluie, toute l’eau de ruissellement est de mauvaise qualité par la texture comme la composition des matières grasses et autres », a-t-il résumé.

Sur son absence de réaction face aux difficultés rencontrées par les villageois relevant des effets des activités de l’entreprise, Koffi Fiacre a fait savoir qu’à «aucun moment une personne, n’a soumis à la société des observations, des recommandations ou des plaintes».

NOUS N’AVONS PAS INTERET A RELACHER UNE GOUTTE D’EAU

Koffi Fiacre a battu en brèche l’argument selon lequel sa société déverse de l’eau souillée dans la rivière Baya, surtout qu’il n’y a pas de cours d’eau qui coule en permanence pour presque la moitié des saisons pluvieuses à Ouellé.

Selon le directeur, son entreprise travaille en circuit fermé avec de l’eau de forage et ne peut de ce fait pas laisser échapper cette eau acquise durement. L’eau utilisée, a-t-il expliqué, est récupérée dans un autre bassin, en rotation.

«Nous n’avons pas intérêt à libérer cette eau d’autant plus que nous payons cher ne serait-ce que pour avoir une goutte d’eau pour faire le traitement de notre minerai», a précisé le chef d’entreprise relevant que si l’eau du Baya est plus ou moins boueuse cette année, cela est la résultante de l’érosion sur les zones décapées qui a entrainé la boue, jusque dans la rivière et non les eaux de leur forage qui sont montées pour se déverser dans les champs.

« Il y a eu effectivement un phénomène : les inondations constatées un peu partout en Côte d’Ivoire et beaucoup plus ressenties à M’Bahiakro qui ont entrainé l’érosion dans notre zone, qui a impacté ces villages».

LES PISTES DE SOLUTIONS

Il assure que la société a pris des mesures nécessaires pour minimiser au mieux les conséquences de cette érosion en construisant une 2ème canalisation.  

«En plus de travailler en circuit fermé, cette 2ème canalisation permet de contenir l’érosion de sorte que la boue retourne dans nos bassins. Et comme nous avons une technique de filtration, nous récupérons l’eau propre au-dessus du dépôt de boue. Nous n’avons pas intérêt à relâcher une goutte d’eau pour qu’elle parte à une certaine distance », assure-t-il.

A côté de cela, l’entreprise dit avoir demandé à la chefferie d’aller vers les villages voisins, de les informer afin que les personnes impactées négativement par cette inondation puissent recevoir un réconfort. Notamment en les approvisionnant en riz et en huile.

MANIPULATION ET INTOXICATION

Sur les griefs à l’encontre de sa société, il estime que c’est de la manipulation et de l’intoxication. Selon lui, aucune étude du Ciapol et autres structures n’ont révélé la toxicité de l’eau ou que l’eau est source de pandémie. Et qu'en plus, il ne peut pas y avoir une vie piscicole dans une rivière qui ne coule pas plus de six mois. Par ailleurs, il soutient que ni lui ni ses services n’ont été saisis pour présenter un cas de mort d’animaux suite à la consommation d’une certaine eau qui proviendrait du site d’exploitation. Pour lui, «c’est de la pure intoxication, c’est de la méchanceté pure et simple».

Pour ce chef d’entreprise, l’intention des plaignants, c’est de mettre la pression pour que la société dépense encore plus d’argent. «Ils ont appris que la société offre du riz, de l’argent aux impactés dans un rayon de trois kilomètres. Automatiquement, des gens qui sont à 50 km, se mettent dans la danse. C’est une stratégie pour qu’on débourse de l’argent pour eux. Sinon il n’en est rien ».

A entendre Koffi Fiacre, le mécontentement des villageois de Koumélékro vient du fait que les jeunes du village de cette localité exploitaient de façon illégale l’or sur ce site avant d’être délogés après l’acquisition du site par sa société.

SON APPEL A L’ENDROIT DES FRONDEURS

M. Koffi s’est engagé à offrir aux 11 villages mécontents, des «Baya» plus modernes et mécaniques, c’est-à-dire, des étangs qui seront alimentés par des forages.

« Pour les 11 villages, je voudrais leur rappeler que nous sommes tous, fils de cette région. Il est temps qu’on se parle et qu’on pense à valoriser ensemble, nos ressources, notre patrimoine commun pour que nos jeunes, sans emploi, puissent trouver des moyens de subsistance durable. Il ne s’agit pas d’un problème politique. J’invite les 11 villages à une table-ronde à l’effet de leur octroyer le minimum pour leur permettre d’avoir un accès durable à l’eau potable. Nous sommes prêts à fournir 11 forages pour ces villages pour qu’ils aient de l’eau propre et ne plus compter sur l’eau de ruissellement du Baya », a-t-il appelé.

Il se dit également prêt et disposé à étendre l’aide alimentaire à ces 11 villages pour que tous les villages soient servis. "Ce n’est pas pour qu’ils soient derrière nous", clarifie-t-il. 

Pour ceux qui souhaitent faire la culture dans le lit du Baya, l’entreprise se dit également disposée à leur offrir les semences qu’ils souhaitent, à financer intégralement tous les travaux et à assister à la récolte afin de mesurer si les travaux de l’entreprise ont occasionné la destruction massive des terres et qu’aucune culture ne peut se faire là-bas. Ce sera des plantations témoins.

Il a rappelé que le mandat d’exploitation est de 4 ans, renouvelable. Après cela, dira-t-il, ce sont les parents de Sika Komenankro, de Bayassou et de Kodiakro de juger s’ils estiment que les actions ont été négatives. Et d’inviter Koumélékro à adhérer au projet, rassurant que «ce n’est pas plus dangereux que ce qu’ils laissent leurs enfants faire dans leurs champs, dans leurs forêts, c’est-à-dire l’orpaillage illégal».

 Lambert KOUAME

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